4ème épisode
Tom Wallis : «Il faut penser en termes d’expérience client »
Pour ce quatrième épisode du LaMA Project podcast, nous avons discuté avec Tom Wallis, profil à part, entrepreneur et machine à idées. Il est dans la pratique (avec ses deux restaurants d’altitude à Corrençon en Vercors) et dans la conception puisqu’il a signé une stratégie complète de développement pour le projet de Tony Parker à Corrençon en Vercors et Villard de Lans. Fort de ses différentes expériences, il met l’accent sur la nécessité de (vraiment) connaître ses clients.
Sur la transition et le modèle économique des stations de ski
“La transition c’est parvenir à sortir des critères établis : comment va-t-on sortir de l’or blanc donc évoluer, quitter un modèle pour aller vers un autre ? Quel que soit le business on reste ancré sur le modèle et on a du mal à passer au suivant. On a du mal à enclencher la transition, c’est valable dans tous les secteurs : cf les constructeurs automobiles qui se font dépasser par un challenger en à peine quelques années, parce qu’ils n’arrivent pas à évoluer”. Mais dans ce contexte est-il possible pour les stations de se projeter dans l’avenir ? “J’ai confiance dans les stations, on a touché l’apothéose avec l’or blanc et quand tout va bien il est difficile de se réinventer, donc il faudra effectivement “entrer dans le mur” comme on dit. En ce moment tout va quand même plutôt bien, j’espère que cette énergie va permettre d’innover, tenter, essayer, se tromper etc… » Pas si facile dans un écosystème aussi fragmenté que celui des stations françaises :
“On a un modèle avec beaucoup d’acteurs privés et publics : difficile de créer de la cohérence. Même si les attentes des consommateurs sont claires, les stations vont être obligées de gagner en cohérence”. On ne peut pas dire qu’aujourd’hui la transition est en route dans les stations : “À part dire : développement durable, bien-être, 4 saisons… qui ne sont que des mots , il n’y a rien de concret”.
De l’importance de connaître son client
“Il y a un vrai manque de connaissance client dans la plupart des stations. On ne s’occupe pas du tout des locaux, qui ont quand même été très importants l’an dernier pendant le Covid et on est dans une forte dépendance à la clientèle étrangère et fortunée. Nous sommes entrés dans une ère de service, nos clients viennent chercher une expérience, pas juste un forfait, de la neige ou une raclette. Sur la gestion de la neige, on est très technique. Mais il ne faut pas oublier le client qui vient chercher du dépaysement, des émotions. Dans mon restaurant par exemple, on éclaire le chemin avec une guirlande solaire, c’est pas grand chose et pourtant mes clients ne parlent que de ça… plus que ce qu’il y a dans l’assiette ! Il reste aujourd’hui beaucoup trop de maillons dans la chaîne de l’expérience des vacances qui ne sont pas sérieux et doivent progresser”.
L’expérience avec Tony Parker et ses associés sur Villard de Lans et Corrençon en Vercors
“L’idée, avec Tony Parker et ses investisseurs, était d’être exemplaire et de prendre un virage avant les autres stations de moyenne altitude. Tony Parker s’est entouré de gens qui connaissent la montagne, on s’est associé entre plusieurs entrepreneurs de Corrençon et j’étais en charge d’écrire la stratégie du projet. L’idée étant ensuite de la tester localement. Chemin faisant je me suis rendu compte que le collectif et la vision générale de la montagne ne correspondait pas à la mienne donc j’ai quitté le projet” (depuis la sortie du podcast, l’annonce de la première tranche de développement confirme qu’on continue comme avant !, ndlr). Certains aspects de la stratégie sur laquelle Tom a travaillés restent d’actualité. “On a besoin du ski parce que ça rapporte, mais on sait qu’il y a un potentiel incroyable pour les stations, à condition de changer la manière de consommer la montagne. On peut proposer du ressourcement, de la santé, du ludique, du sport, on doit pouvoir tout réinventer”.
Tout réinventer, plus facile à dire qu’à faire ! “Il y a une absence de réflexion à long terme, tout le monde se renvoie la patate chaude : le Maire, le Département, la Région, il n’y a pas de cohérence tant que personne ne prend le sujet à bras le corps ».
“On y arrivera car on n’a pas le choix”
Et la suite ?
« On est sur la fin d’une vague, mais il y en a une nouvelle, verte, qui arrive. Quand on crée des lieux sincères et atypiques, il y a une clientèle étonnante qui débarque. Mariages, séminaires, gens qui viennent vivre. Une autre manière d’accueillir est possible, comme à la Folie Douce par exemple. Et aujourd’hui il y a un nouveau critère : l’empreinte (carbone), donc il est temps d’avoir des lieux où l’empreinte est raisonnée. On nous aide à mieux manger, à consommer mieux et la montagne est le lieu parfait pour ça”. Par exemple : “Dans mon restaurant à Corrençon en Vercors, on invite une fois par semaine tout le monde à venir visiter l’installation. Le restaurant est autonome (sans eau courante ni électricité), on présente l’installation et ses galères, pour que les clients comprennent la démarche. Notre métier ne se joue pas que dans l’assiette et les clients sont prêts à payer pour une super expérience, des moments d’étonnement”.
Des idées d’actions urgentes à mettre en place :
- Écouter les consommateurs pour de vrai (comme le mentionnait aussi Eric Adamkiewicz dans le 2ème épisode).
- Tester et accompagner ceux qui tentent et prennent le risque de se tromper… cesser de voir uniquement les freins.
- Amener de l’habitat insolite.
- Et bien sûr partager les avancées en open source.